Mon père sur le Roc des Bœufs

Mon père sur le Roc des Bœufs

Une traversée inoubliable : Mon père sur le Roc des Bœufs

Il y a des moments qui marquent profondément, des instants qui restent gravés dans la mémoire pour toujours. La traversée sur le Roc des Bœufs, en plein cœur du Massif des Bauges, en compagnie de mon père Jean-Pierre, en est un.

Je n’oublierai jamais ce jour où nous avons partagé ensemble cette magnifique aventure. Mon père, âgé de 76 ans à l’époque, m’a accompagné sur ce parcours splendide, une arête haute de 300 mètres, avec quelques pas d’escalade exigeants. La difficulté étant 5c max, et 3c obligatoire, c’était un défi de taille, mais rien qui puisse effrayer un alpiniste chevronné comme lui. La montée, bien que technique par moments, garde une vue à couper le souffle, sur les sommets du massif des Bauges et, plus loin, sur le Mont-Blanc, qui se dressait majestueux à l’horizon.

Nous avons mis environ 6 heures pour réaliser cette traversée. Une journée à la fois fatigante et exaltante. Je savais que mon père avait l’expérience et l’endurance nécessaires, mais il y avait un autre aspect dans cette ascension qui la rendait unique : pour moi, ce n’était pas seulement une simple sortie d’escalade. C’était un moment de partage entre un père et son fils.

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L’expérience de la montagne : une transmission silencieuse

Ce qui est fascinant avec mon père. Il connaît bien la montagne, sait gérer son effort et son équilibre, même lorsqu’il s’agit de se tenir sur le fil de l’arête, à plusieurs centaines de mètres du sol. Je l’observais parfois, tranquille, comme s’il n’était qu’un spectateur admirant le paysage, alors qu’en réalité il avançait d’un pas assuré. Ce qui m’a frappé, c’est son calme. Une sérénité qui témoigne de toute une vie d’alpinisme.

Ce jour-là, nous avons échangé peu de mots, comme souvent dans ces moments-là, mais il ne fallait pas plus. Les habitudes d’une cordée de 30 ans ne s’oublient pas. Il n’y a pas besoin de mots pour savoir que son père, à ses 76 ans, est en parfaite maîtrise de son corps, de ses gestes. Il a ce regard qui en dit long, une confiance en soi qu’il m’a transmise tout au long de ma vie.

La beauté du paysage autour de nous ajoutait une touche presque magique à l’expérience. Le Mont-Blanc en toile de fond, la brise légère, et la sensation d’être tout petit face à ces géants de la nature. Ce sont des moments comme celui-ci qui permettent de savourer la grandeur de la vie, et de se sentir infiniment reconnaissant de partager de telles expériences.

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La fierté d’un fils

Je n’ai pas pu m’empêcher de ressentir une immense fierté en guidant mon père sur cette arête. Fierté de l’avoir là, à mes côtés, à son âge, toujours aussi solide et prêt à relever de nouveaux défis. Fierté aussi de pouvoir lui rendre, d’une certaine manière, tout ce qu’il m’a donné, tout ce qu’il m’a appris. Il y a une beauté incomparable à pouvoir partager un tel moment avec celui qui vous a initié à l’alpinisme, qui vous a appris à marcher sur des arêtes, à affronter les difficultés de la montagne. En retour, je pouvais être celui qui, cette fois, le guidait.

Mais au-delà de la fierté, il y avait une profonde émotion, celle d’avoir un père qui, même après toutes ces années, est toujours là, prêt à m’accompagner dans les moments forts de ma vie. Celui qui, 30 ans auparavant, m’a appris à aimer la montagne.

La récupération et la beauté du souvenir

Après l’ascension, mon père a eu besoin de deux jours de récupération. Ses muscles, ses articulations, tout avait travaillé dur. Mais il n’a jamais eu de regrets, bien au contraire. Une fois de plus, il m’a montré ce qu’était la force intérieure, celle qui ne dépend pas de l’âge, mais d’une passion profonde, d’un amour pour la montagne qui ne faiblit jamais.

Roc des Bœufs

C’est avec ce genre de moments qu’on goûte au bonheur véritable. Ce sont ces instants-là, partagés avec ceux que l’on aime, qui vous rappellent que la vie est faite de petites choses simples, mais qui comptent plus que tout. Une journée d’escalade qui laisse des traces, non seulement dans les muscles, mais dans le cœur. Des traces indélébiles que le temps ne pourra jamais effacer.

Pour un fils, avoir la chance de vivre une telle aventure avec son père est un cadeau inestimable. Une expérience qui forge une complicité, qui construit des souvenirs précieux. Parce que, finalement, l’alpinisme, ce n’est pas seulement grimper des montagnes. C’est aussi apprendre à apprécier ces moments partagés, ces instants où, même dans le silence, on se sent profondément relié à l’autre.

Et c’est avec des moments comme ceux-là que l’on se dit que le vrai bonheur, c’est d’être à la fois celui qui guide et celui qui est guidé.

Raphaël.